En premier, la mer. Les quatres personnages semblent en naître, et de là apparaissent, entouré de la joie première, la joie d’être. S’approchant, on découvre le père, le fils, la fille et le mari. Quatuor déséquilibré qui fixe tout de suite le manque comme sujet, en effet : où est la mère ?
Après la cène, le groupe va se décomposer, le père annonçant un départ innatendu, s’éclipsant ensuite pour qu’on ne le voie pas pleurer. Le non-dit, l’incapacité à communiquer, le manque, la difficulté de lier des relations humaines fondent l’énigme de ce film.
On assiste au naufrage d’une famille qui cherche à sauver des apparences qui ne trompent personne. Finalement, non seulement la mère est absente, mais aussi le père, incapable d’exprimer son amour pour lui-même, pour les autres, et qui ne vit que pour écrire ses livres. Archétype de l’écrivain qui se place en dehors du monde qu’il va coucher sur le papier, il vit hors des sentiments. Dès lors le fils et la fille souffriront d’un manque de reconnaissance, de contact, d’amour. Catherine, créant en dehors d’elle-même une relation avec un autre père, un autre dieu ; Minus idôlatrant son père, cherchant à lui ressembler en se lançant dans les arts, le théâtre, jusqu’à la mort ? Entre eux, le mari, médecin aimant, à l’écoute de l’autre, raisonnable et philanthropique. La communauté disparaît pour laisser place à des dialogues deux à deux.
Les secrets sont partagés entre les personnages et font de longs détours avant d’atteindre les principaux intéressés. La maladie gagne Catherine qui s’enferme dans sa folie, dans son dialogue avec la voix, avec le mur, dans l’espoir d’une rencontre avec dieux. Quand enfin la conversation est possible, que les choses sont dites, il est trop tard, elle est emportée et retrouvera l’hopital qu’elle avait laissée pour les vacances. Le mari rentrera en ville au près d’elle, laissant seuls un couple adorant-adoré, le père et le fils, qui s’accordera sur l’idée que Dieu est amour.
Bergman nous parle des difficultés de la vie, du poids des apparences, des paroles, des silences, des difficiles relations familiales et de l’importance de l’amour.
Dans un décors épuré, avec une belle qualité d’image, de noirs et blancs, comme le titre le suggère Bergmann nous propose un film réflexif sur ces problèmatiques.
Naufrage familial - Bergman – Comme dans un miroir - 1960
Fuir à mourir - Polanski – Le locataire – 1976
C’est l’histoire d’un choix, d’un non-choix, d’une absence de choix. Une tragédie donc.
Trelkovsky n’existe pour personne, arrive de nulle part, n’arrive pas, se perd avant de se définir, ne se reconnaît pas lui-même, dérive, divague, oublie, s’absente. C’est la longue lutte contre le monde, le racisme, l’histoire, la vie, la douleur, la mort, la naissance. L’enfer c’est les autres, les autres qui n’aident pas, les autres qui menacent, oppriment, déforment, acculent, dépriment, renvoient, assassinent, aident pour mieux tuer, dans l’inconscience de leurs quotidiens naturel, dans la confiance de leurs principes, dans la certitude de leur bonne fois, dans l’évidente simplicité des habitudes. Rentrez dans un monde qui ne veut pas de vous et vous êtes perdu.
C’est toute l’histoire de Trelkovsky. L’histoire d’un homme dont on apprend assez vite ses origines polonaises, et dont on ne saura rien de plus. Un nom, une nationalité, ce sont les héros principaux de ce chef-d’œuvre que nous propose Polanski : Le locataire. Etrangement assez autobigographique, il décrypte les méchanismes de la perte de soi et les déchirements des populations émigrés, entre recherche de nouveaux repères sociaux et oubli des racines qui forment pourtant la base de la personnalité. Schyzophrénie donc.
Simone Choule représente l’impossible carcan normatif d’habitudes, de reflexes, de comportements qu’on demandera à Trelkovsky d’avoir. Evidemment la base est superficielle : la marque de cigarettes, le type de boisson pour le petit déjeuner, porter des chaussons, mais il reste que ces habitudes ne sont pas celles de Trelkovsky. On ne connaït pas ses habitudes, on ne peut pas les connaïtres, et le petit monde de Paris ne peut pas comprendre sa douleur, parcequ’il vient d’ailleurs.
Si tout semble pourtant normal, le dialogue est impossible, bilatéralement. Trelkosky ne comprend pas les demandes de ses voisins, et ses voisins ne le comprennent pas. La force de Polanski est de laisser dans le noir cet espace inconnu d’incompréhension ; ne le faisant apparaître que par touches, en avance ou en retard, en décalé sur la réalité, nous mettant nous même dans l’incompréhension, spectateur actifs auquel on ne donne pas plus d’information que le héros, nous n’avons pas un œil préviligié sur l’ensemble du contexte : notre connaissance reste parcéllaire, comme le héros nous devons faire avec ce que nous savons, sans contrôle sur notre envirronement. N’ayant pas de posture omnisciente nous faisons corps avec l’expérience de Trelkosky : comme lui nous ne comprenons pas. Le dialogue devient alors triptyque, mais Trelkosky est seul, alors que les voisins et le public font corps dans une rationnalité débordant le contexte du film. Heureusement, car si l’extraordinaire efficacité de la mise en scène, des jeux de lumières et du scénario devait se poursuivre indéfinniment nous pourrions perdre pied et rejoindre Trelkovsky dans sa folie suicidaire.
Par deux fois nous sommes pris à défauts par le cinéaste : à l’annonce de la présence de voisins qui soit-disant posent des heures durant en face de la fenêtre, et à l’annonce des plaintes des voisins contre Trelkovsky. Il se passe donc des choses en dehors de l’image, un monde entier et vivant qui ne nous est pas montré existe, réagit et donne corps à une histoire dont nous avons une vision parcellaire. On ne nous dit pas tout, et finalement peut être que Trelkosky saccage lui-même son appartement, y amène des filles et fait vraiment un boucan infernal.Ce ne serait pas dur à croire quand on le voit dévaster l’appartement de son amie, à moitié saoul chez les filles de joie et s’arrachant lui-même une dent sur son lit. On ne pouvait pas faire confiance au cinéaste, peut on faire confiance au héros ?
Toute la difficulté est de définir ce héros, qui ne se reconnaît pas lui-même. Le vrai, le faux, le maquillage, le théâtre de la vie pose la question de ce que c’est que d’être soi. Trelkovsky devient fou de ne pas pouvoir se définir : partant de pologne, arrivant en France, il est dans un entre deux indéfinissable, écartelé entre ce qu’on lui demande d’être, de devenir, et ce qu’il est. Est-il possible de s’intégrer dans un nouveau monde, ou bien est-ce une démarche suicidaire ? Il pose la question : « A partir de quand n’est-on plus nous même », est-on un corps, est-on une tête ? Proust dirait que nous sommes aussi un nom. Trelkovsky va perdre les trois : en commençant par recevoir des lettres pour Simone Choule, puis en se déguisant pour lui ressembler, et enfin en l’imitant par le suicide. C’est dans la souffrance que se passe tout processus de rupture d’un pays à un autre, un pays où nous ne devenons plus qu’un nom, dans lequel la solitude est clée. La première chose à laquelle les voisins lui demandent de renoncer, ce sont ses connaissances. Finalement c’est ce à quoi l’immigré est condamné : la solitude. Et c’est la solitude, cet enfermement, ou cette prison, qui va générer chez Trelkovsky une paranoïa suicidaire.
Né en 1933, lui-même Polonais, Polanski immigre en France, en Angleterre, aux USA, subissant toujours diverses pressions de son envirronement. Le Nazisme dans le Ghetto de Varsovie en 1943, les critiques par les communistes Polonais en 1960, le xénéphobisme Français en 1964, et des problèmes avec la police aux Etats-Unis en 1973. Toute sa vie il aura du s’échapper, s’adapter, s’intégrer et se construire dans la fuite. C’est donc dans une forme toute particulière que Polanski explore ses propres expériences et les extrapole dans une oeuvre magistrale qui se referme sur elle-même, comme une douleur sans fin qu’apporte la compréhension d’une fuite éternelle que seule la mort pourrait arrêter, encore faut-il réussir son propre suicide.
David W. Griffith (1865 – 1948)
I maestri del cinema
Centro culturale candiani
Piazzale candiani 7
Mestre, Venezia
Martedi 6 ottobre - David W. Griffith - Summary
Introduction
Griffith (1865 – 1948) is known as the father of modern cinema, having created the basics of the current cinematographic vocabulary, mainly through a revolutionary use of parallel montage. The two best known movies by Griffith are The Birth of a Nation (1915, >120’) and Intolerance (1916, >180’). But actually, Griffith came to the cinema world much earlier before, in 1908.
Cinema at the beginning of the 20th century
At this time, Griffith was a stage actor and wanted to make his career in the theater world and not in cinema, which did not have good reputation. He accepted to play in different movies only to earn a living before finding a stable position in the theatre world. One day, the cineaste got ill and Griffith was offered to replace him temporarily. So it is quite by chance that he begun to record movies.
At the beginning of the 20th century, the movies were one minute long. It is quite difficult for us to imagine now the reaction of the public confronted with this new invention: a moving image. We have all heard about the first projection of the L’arrivée d’un train à la gare de la Ciotat, the Parisian public being afraid and running out from the projection room to escape the train. We do not know if this is a true story or not, but it tells us that by this time, the issue was less about the story of the movie; but about the revolution of the moving image.
Physical and psychological space
In 1926, Gorky wrote about his own reaction to watching a movie. He was quite impressed by the obscurity which surrounded the image: what happened to the actors when they were going outside the recorded frame and disappeared into the dark? Did they die? Did they go into another dimension, another world ?
We cite Gorky because he is a well known author, but we may think of a lot of other people that had the same kind of questions.
In fact, cinema was taking care of its public, by giving it information about what happened through the written announcement, or by the continuity and integrity of physical space on the images from on scene to the other.
We have to remember that cinema was still a space for experimentation and intellectual confrontation at this time: how to use it, its means and possibilities had not been clearly defined yet. The movies were made on one physical place and the public was still under shape creation.
When Griffith started making movies, the means by which the image could link two different geographical places had not been known yet. The simple question that nobody asks anymore today, but which did not have an answer at that time is why one scene / one image would be linked to another image / scene.
Griffith produced more than 500 movies between 1908 and 1931, making sometimes 2 or 3 movies by week. This let him touch a large variety of subjects, and the possibility of a lot of experimentation.
In a movie called After many years, Griffith tells the story of a couple. Whereas the man is isolated on an island, the woman waits for him without knowing if he is still alive. The ocean is separating the couple, but there is a mental link (love) which builds a bridge between them. How to represent this link on a screen and to create a unity of space while there is a geographical discontinuity ? How to represent the link which exists between these two people?
Griffith found an answer in using a prop: a “broken heart necklace” is worn by both lovers, one on the island, one on the continent. We see the two necklaces and the link is created.
What Griffith showed in this movies, is that what we think about distance is inside us, not inside the image. This is the proof that the montage can play with our thoughts. The power of the movie does not come anymore from what is shown, but from what is hidden. Griffith broke the barrier of physical continuity by moving the place of representation of this continuity from the image itself to the spectator’s mind.
Griffith and poetry, suspense and montage
If Griffith is well known for his creation of parallel montage, Paolo Cherchi Usai offers another approach to his work. For him, Griffith is also the director who includes poetry in his work. Paolo sees in these movies the characteristics of poems: in the themes, the images, the cadrages, and the montage.
Figure 1 - Paolo Cherchi Usai
Country doctor : Opening on a circular countryside travelling from a river to the doctor’s house. A doctor lives happily with his wife and his daughter on the countryside. One day, his daughter gets ill, and he begins to take care of her. At the same time the daughter of another poor family gets ill, and the mother goes to ask the doctor to come and save her girl. The doctor refuses as he already needs to treat his own daughter. But the mother insists and the doctor finally decides to go and help the poor girl. While he is at the poor’s family house, his own daughter gets very sick, and his wife sends the servant to search for her husband. The doctor refuses to come back, as he has not finish to cure the poor girl yet. But the servant insists, and as the doctor finally cured the poor girl, he accepts to come back home. There, his daughter has already died. Closing on a circular travelling from the doctor’s house to the river.
Analysing Country doctor, Paolo explains that the disposition of the characters from one scene to another, the rhythm of the scenes’ length, the chosen journey inside a field of wheat, the symetrical construction of montage (opening and closing on the same but inverse circular travelling), are a transposition of poetic means to the cinematic world. In his point of view, Griffith is also the one who pushed the cinema on a poetic level, further than anyone before him.
Furthermore, Paolo notices the creation of a true suspense in the process of the movie, and the absence of a happy ending.
Taking into account the physical existence of the films at this point of history, Paolo gives us the opportunity to materialy touch a film bobbin. This is a crucial point : the physical opposition light/black, knowing/not knowing, hearing/silence have certainly been at the source of the intuition giving as much importance to what was shown than to what was not.